A l’occasion de la réunion des Directeurs du BIT pour la région Afrique qui s’est tenue à Assinie (Côte d’Ivoire) du  25 au 27 Janvier 2017, le membre titulaire du Syndicat du personnel pour la région  a exprimé les préoccupations de nos collègues basés en Afrique. Extrait…

« Avant de venir ici, après  avoir  reçu votre invitation à  participer à cette retraite, j’ai consulté les représentants du personnel dans  tous les bureaux et équipes de l’OIT à travers la région afin de manifester leurs doléances et  de vous les soumettre. En voici six des plus saillants que j’ai noté :

  1. La sécurité du personnel demeure un souci permanent dans la région. Les collègues sont souvent victimes de situations instables dans  plusieurs pays africains notamment  à la veille d’échéances politiques, à cause de la résurgence des épidémies et de groupuscules idéologiques qui érigent la violence en mode opératoire. Le personnel recruté localement en fait les frais  en raison des règles inadéquates du système commun en matière de gestion de la sécurité de son personnel. L’instabilité peut surgir à tout moment et à n’importe quel endroit dans la région. Ne sachant prédire à qui le prochain tour, ces situations font vivre nos collègues dans l’angoisse et la précarité.

Face à ces situations , nous apprécions à leur juste valeur, les efforts  engagés par INTSERV dans la fourniture des services de sécurité dans les  bureaux sur le  terrain. Cependant, nous réitérons notre recommandation qu’INTSERV conduise systématiquement des évaluations sur les conditions et les besoins en termes de sécurité dans chaque bureau, en impliquant effectivement et dès le début du processus le Syndicat du personnel en vue de prendre en compte les besoins spécifiques et prioritaires pour la sécurité de toutes les catégories de  personnel. Ceci  devrait permettre au BIT d’améliorer ses interventions dans le domaine de la sécurité et  de combler le déficit de la réglementation du SNU en matière de couverture sécuritaire du personnel dans son ensemble, en particulier en ce qui concerne le personnel recruté au niveau local  ;

  1. La prise en charge de la santé du personnel est une question majeure qui appelle une réponse adéquate et urgente. En effet, les efforts fait par la Caisse d’assurance – maladie pour réduire le délai d’attente des remboursements médicaux sont notables. Cependant, le personnel  est toujours mécontent du fait qu’il est appelé à préfinancer ses soins en permanence pendant que son pouvoir d’achat, déjà faible, s’érode continuellement à cause de  l’inflation. Je peux aussi vous informer que certains Bureau ont conduit des enquêtes de satisfaction auprès du Personnel et le taux  ne dépasse pas 40%.

Depuis un certain temps, nous nous employons à suggérer des alternatives susceptibles de permettre aux  collègues et à leurs dépendants reconnus par le BIT de  se faire soigner dans les institutions médicales acceptables par la mise en place des mécanismes adaptés à la Région. Dans tous les cas , le BIT doit assumer ses responsabilités et offrir  une protection sociale décente à l’ensemble de son personnel. A travers la Région, il existe des exemples d’une bonne coopération avec la Caisse d’assurance – maladie  qui ont permis de trouver des alternatives appropriées  à la prise en charge  du personnel.  Le Syndicat est disposé à s’assoir avec les collègues de la région pour voir comment en faire bénéficier à l’ensemble du personnel  ;

  1. Les niveaux de classification des postes qui sont très en deçà des niveaux d’évolution des responsabilités et des qualifications des fonctionnaires nationaux. Cette classification à la baisse est également valable pour les fonctionnaires internationaux, notamment certains directeurs de bureaux et spécialistes œuvrant dans la région « Afrique » en comparaison aux collègues d’autres régions et/ou agences. Faut-il rappeler que la reclassification des postes sur le terrain était  l’une des revendications portée par la grève de 2010 et dont les promesses tardent à se réaliser ?. Pour permettre un examen approprié de certaines revendications y relatives, nous demandons la mise en place du Groupe d’Experts Indépendants (GEI) au niveau régional en vue de statuer sur les requêtes en reclassement.

Nous  nous félicitions des informations reçues à l’occasion de la récente session du Conseil d’administration  concernant la proposition d’intégration du grade NO-C.  Cette avancée même si elle est tardive et insuffisante et  nous regrettons que le corollaire en soit une énième remise en cause des contrats à sans limite de temps (WLT) . Le Syndicat du personnel n’apprécie pas que l’on semble vouloir donner   peu et tard de la main gauche, en essayant de reprendre beaucoup et vite de la main droite ;

  1. Les rémunérations du personnel recruté localement sur le terrain sont désastreuses. Elles sont marquées par des salaires très bas liés à l’obsolescence de la méthodologie permettant de les fixer et au dessein inavoué du SNU de s’attaquer aux salaires de son personnel pour les dégrader, sans parler de l’exclusion de la  quasi-totalité des avantages pécuniaires (aides scolaires pour leurs enfants, frais de sécurité, prêts, etc.). Bien que cette question soit de la compétence du Système Commun, le BIT dans son rôle d’agence dont le mandat est de militer pour une justice sociale  pour tous, devrait jouer un rôle de premier plan pour amener le Système Commun à corriger les insuffisances de la méthodologie Flemming ;
  2. La précarité des conditions socio-professionnelles exacerbées par l’absence, si non la difficulté de disposer de possibilités de crédit à long termes pour le personnel recruté localement. Les espoirs suscités par la possibilité pour cette catégorie du personnel d’épargner à l’UNFCU se sont arrêtés net par la pratique discriminatoire de cette institution qui n’accorde de  crédit qu’à certains  collègues œuvrant dans quelques pays sur base de critères discutables. Ne pouvant compter que sur son seul salaire mensuel, sans indemnités supplémentaires contrairement à son collègue international, le personnel local est condamné à son triste sort. Ne pouvant vivre décemment et ambitionner son avenir, incapables de subvenir dignement aux besoins de scolarité de ses dépendants et de  satisfaire ses besoins sociaux de base, le personnel local se considère, par la force des choses, comme un martien sur terre. Pour cette catégorie du personnel,  l’équité et la justice sociale prônées par le Système des Nations Unies et l’OIT en particulier relève de la  fiction. Ceci nous amène à solliciter à nouveau le BIT, par votre entremise, afin qu’il plaide  auprès de l’UNFCU en faveur d’une révision de ses critères de prêt pour cette catégorie de  personnel, surtout que le risque pour les Etats émergent de conflits est minimisé par la  retenue à la source faite à  Genève qui gère le salaire  de tous les fonctionnaires.
  3. L’impact des décisions prises à travers la restructuration du terrain

Monsieur le Directeur Régional, le Syndicat du personnel souhaite exprimer ici sa vive préoccupation concernant une récente décision prise dans le cadre de la restructuration du terrain à savoir la suppression des postes de Directeur adjoints en Afrique (et nous disons bien en Afrique). Dans le monde, sur 13 équipes d’appui,  5 disposent de postes de Directeurs adjoints (Lima, Port-Of-Spain, San Jose, Moscou et New-Dehli) : 3 aux Amériques, 1 en Europe, 1 en Asie et aucun en Afrique. Même si l’Afrique :

  1. A délivré le plus grand nombre de résultats au cours du biennium 2014-2015 avec 34% pour être précis.
  2. Représente, en septembre 2016, le deuxième portefeuille de la Coopération au Développement du BIT (avec 20%) derrière l’Asie, mais bien loin devant les Amériques ;
  3. Sert le plus grand nombre de pays par Continent : A savoir 54 ;
  4. Héberge la part la plus importante des Etats en situation de fragilité et votre récente stratégie le met en exergue[1] ;
  5. Abrite 73% des pays les moins avancés (PMA) selon les statistiques officiels de la CNUCED[2].

Je ne m’attarderai pas sur la flagrante différence entre les moyens humains mis à la disposition du Bureau Régional pour l’ Asie et ceux  mis à la disposition du Bureau Régional pour l’Afrique. Au-delà des bureaux régionaux, l’inégalité dans la répartition du personnel à de lourdes conséquences sur la santé, l’efficacité et l’efficience des résultats attendus.

Monsieur le Directeur Régional, cette suppression des postes de Directeurs adjoints est loin d’avoir prouvé son impact positif  mais nous pouvons déjà vous citer certains impacts négatifs  (au-delà  du cumul de fonctions sans compensation desdits spécialistes à qui l’on demande à leurs moments perdus, d’œuvrer en qualité de Directeur adjoint) : (i)  l’augmentation de la pression sur le personnel local qui doit assumer plus de responsabilité avec moins d’orientation et bien entendu sans reconnaissance aucune ; (ii)  l’augmentation des délais de traitement des opérations qui va à l’encontre des  engagements du BIT vis-à-vis de ses mandants  pour une meilleure efficacité; iii) l’augmentation de la charge sur les Directeurs qui se trouvent souvent limités dans leurs fonctions stratégiques en raison des tâches administratives très nombreuses ;   et enfin, iv) la dernière et pas des moindre,  la réduction du niveau et de l’efficacité des contrôles  de gestion mis en place  qui devraient constituer une préoccupation majeure pour le bureau d’audit interne ici représenté.

Si nous n’étions pas dans une organisation internationale dont les valeurs façonnent le monde, nous pourrions conclure qu’il s’agit d’une forme évoluée mais réelle de discrimination pour ne pas utiliser un mot encore plus dur.

  1. Les perspectives de carrière: Conformément à l’IGDS numéro 413 version 2 du 9 janvier 2017, la mobilité fonctionnelle et la mobilité temporaire du personnel des catégories des services généraux, des services organiques nationaux devront être effectifs pour rehausser et faire bénéficier le partage d’expérience dans la Région. Une lecture transparente du processus de mobilité devra être partagée avec le Syndicat et un engagement de fonds de soutien à cette initiative devrait être pris en compte dans le programme et budget du prochain biennium » (…).

Extrait du discours prononcé par Roger Mavinga Nkambu
Membre titulaire du Syndicat du personnel pour l’Afrique

 

[1] http://www.ilo.org/addisababa/media-centre/pr/WCMS_471865/lang–en/index.htm

[2] http://unctad.org/en/pages/aldc/Least%20Developed%20Countries/UN-list-of-Least-Developed-Countries.aspx

 

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